La radio, ma vie!

Article : La radio, ma vie!
Crédit: lesocialhaitien
2 juin 2022

La radio, ma vie!

En vrai, la radio ne m’a pas laissé le choix. Au début, c’était pour moi un monde suspendu où je m’évadais pour me donner un peu d’estime. Aujourd’hui, c’est mon monde. La radio m’a donné une vie et la sauve de temps en temps.  

Comme un jeu d’enfant

Quand la bagarre a éclaté ce jour-là, c’était un dimanche soir, tout le monde s’attendait au pire, tout le monde voulait fuir pour éviter le pire. Sauf quelques personnes vaillantes ou imprudentes qui voulaient être au cœur de l’événement. C’était devenu une habitude que les matchs se terminent en bagarre dans le quartier depuis le départ du président Jean-Bertrand Aristide pour l’exil. Ce championnat de vacances était comme un prétexte pour les partisans de Fanmi Lavalas, le parti d’Aristide, et les GNBistes de s’affronter de temps en temps.  

J’avais raté la plupart des matchs car des hommes armés sont toujours présents à chaque rencontre, soit pour faire le show soit pour créer la bagarre au cas où l’arbitre prendrait une décision contre leurs équipes. Mais je ne pouvais pas rater la finale qui opposait l’équipe de “Vieux-Chaudière”, la petite localité où j’ai grandi, et celle du quartier de “Mango Marion”. La bagarre a éclaté quelques minutes avant la fin du match.  

A l’époque, j’avais comme par hasard trouvé un enregistreur à la maison. Il appartenait à mon grand frère, Geliome, qui aimait acheter les gadgets même s’il ne va jamais s’en servir. Puisque j’avais le petit appareil sur moi, je me suis imprudemment jeté au milieu de la foule pour enregistrer l’ambiance, mais aussi en simulant un direct. Pour moi, c’était beau, c’était important. C’est pourquoi, une fois rentré chez moi, je faisais écouter l’enregistrement à mon grand frère pour vanter mes talents de journaliste.  

En vrai, je voulais ressembler un peu à Emmanuel Louiceus qui était journaliste correspondant de la radio Ibo à Port-au-Prince. Emmanuel, à mes yeux, était un homme important, un intellectuel s’il peut travailler pour un média de la capitale. J’ai voulu être comme lui. Et être comme lui, pour moi, c’était de faire de la radio. J’étais en 7eme année fondamentale au lycée Faustin Soulouque de Petit-Goâve.  

Comme une blague

Plus je grandis, plus je me rapproche de la radio. En première année du secondaire, sous l’influence de Frenel Sterlin, mon professeur de Biologie, j’avais pensé à faire de la médecine quand j’aurai terminé mes études classiques. Mais j’allais vite abandonner cette voie une fois découvrir mon hématophobie.  Quelque temps plus tard, puisqu’il fallait rêver, j’ai voulu devenir écrivain-poète.

A Petit-Goâve, tous les jeunes veulent devenir écrivain 😂. A Petit-Goâve, un homme, ça écrit des poèmes et ça rend le monde plus beau et plus potable. Tantôt j’écrivais, tantôt je disais des poèmes dans les clubs littéraires et dans les fêtes du lycée. Le plus brillant de nous tous a été Lesaindieu Joseph. Il se faisait appeler Lobo (Karl Marcel Casseus) et comme il fallait donner un nom à chacun de nous, il m’appelait Rimbaud. Nous y avons cru.  

C’est par une blague que mon histoire avec la radio a commencé alors que j’étais en classe de rhéto. Au fond de ma salle de classe, c’était un plaisir pour moi de dire dans une voix de comédien voix off “Bon bèt FM” pour taquiner mon professeur de Géologie, Patrick Alezy qui n’a jamais raté une occasion de vanter son cours en disant tout le temps “se bon bèt l ap bay” (c’est un savoir solide qu’il transmet). Alezy a aimé ma façon de répéter cette phrase et il voyait en moi un futur animateur de radio.  

Après le cours, il s’est entretenu avec moi pour me demander si j’étais intéressé à la radio. Je lui ai répondu affirmativement sans trop savoir ce qui m’attendait. Il m’a donc donné rendez-vous à la radio Echo 2000 inter qu’il dirigeait. Le jour même, un samedi du mois de mai 2010, Patrick Alezy m’a confié l’émission culturelle Priorité-Culture. Pour me mettre sur la voie, il m’a donné deux livres qui parlent de l’histoire des médias en Haïti et de la presse.  

Moi en mai 2010 au studio de la radio Echo 2000 inter, à Petit-Goâve

Un long chemin se dessine

Le courant est vite passé entre la radio et moi. J’ai trouvé dans la radio un endroit où m’accepter tel que je suis. Avant cette aventure, ma voix a été un objet de raillerie partout où je prononce un mot. En réalité, ce n’était pas vraiment ma voix le problème. On riait de moi parce que j’étais très mince (ce n’est pas que j’ai beaucoup changé sur ce point🙈😂) mais j’avais un timbre hyper grave.

En débutant à la radio, ma voix commençait à attirer les gens. C’est à ce moment que j’ai commencé à faire des exercices d’articulation à longueur de journée, à travailler le débit, l’intensité, le rythme, l’intonation … de ma voix pour en faire un instrument de séduction.  

A Petit-Goâve, en très peu de temps, j’étais devenu un véritable orateur et l’un des animateurs de radio les plus adulés. Les gens croyaient en moi. Et moi, j’avais continué à rêver. J’étais un grand fan de RFI, notamment de Couleurs tropicales. Pour être sincère, quand j’animais Priorité – Culture, j’ai toujours essayé de le faire comme Claudy Siar. Mais j’aimais beaucoup d’autres animateurs en Haïti, comme Bregard Anderson et Mickerlange St-Paul (Mike on the Mic).

Claudy Siar et Bregard étaient mes préférés. Encore aujourd’hui, je continue à écouter Claudy et à l’admirer. Bon, bref! 

En écoutant Claudy Siar et en l’imitant, mon rêve de travailler à RFI avait pris forme. J’aimais tellement le slogan : la radio mondiale. Après la philo, mon ami-frère Caleb Marc Bernard Dorce me disait qu’il fallait que je rentre à l’université si je veux être un vrai professionnel de la radio. Après concours, j’ai intégré trois entités de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) : l’Ecole normale supérieure (ENS), la faculté de droits et des sciences économiques (FDSE) et la faculté des sciences humaines (FASCH). Finalement, j’ai choisi la FASCH en vue d’étudier la Communication sociale car elle donne une ouverture sur le journalisme.  

RFI, le rêve devenu réalité

Moi posant au studio de Koze Kilti à Port-au-Prince

En 2015, j’ai intégré le quotidien Le National car il me fallait trouver un emploi. La presse écrite n’a jamais été dans mes plans. Je ne comprenais pas encore que tout journaliste doit savoir écrire qu’on soit à la télé ou à la radio. Mon ami Nocles Debreus aime dire que la presse est d’abord écrite😇. J’ai passé trois ans à écrire pour Le National avec en moi un vide.

En 2018, quand le PDG de la radiotélévision Pacific, également propriétaire du journal Le National, disait qu’il avait besoin de quelqu’un qui sait faire de la radio, je n’ai pas eu le temps de répondre. Tous les collègues à la rédaction m’ont proposé au PDG qui acceptait de me donner ma chance. Je l’ai tout de suite convaincu. En très peu de temps, j’allais devenir coordonnateur et présentateur vedette de l’émission phare de la radio à l’époque (Viv Ayiti) et je présentais une autre émission.  

Mon aventure a la radiotélévision Pacific et au journal le National a pris fin en 2019. Un an plus tard, j’ai intégré la radio Magik 9, Le Nouvelliste et Ticket Magazine. Et mon rêve de toujours, travailler à la radio mondiale, va être concrétisé. Aujourd’hui je présente Koze Kilti en décrochage local en Haïti sur RFI. Ce mois de juin ramène mon premier anniversaire à RFI. Un honneur pour moi, mais aussi le plus grand exploit de ma vie en tant que journaliste jusque-là. C’est la preuve que quand on croit à ses rêves et on travaille rudement, on va finir par les réaliser. 

Je vivrai longuement d’amour et de passion pour la radio. Car c’est l’endroit où je me sens utile tout en m’amusant.  

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Commentaires

Stanley PIERRE
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Felicitation broth!!!

Ritzamarum Zétrenne
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Merci frère

Réens HYPPOLITE
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On se connaît même pas mais je vous sens plus proche de moi chaque jour qui passe.Votre parcours peut raviver n'importe quel rêve moribond;vous êtes une grande fierté. Je vous souhaite toutes les bonnes choses afin que vous puissiez arriver beaucoup plus loin freo.

Ritzamarum Zétrenne
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Merci beaucoup frère !