Ritzamarum Zétrenne

Haïti : à la rencontre de Kendaly Phèle, ambassadrice de la femme créole

Lumineuse, convaincante, imposante par son charisme, mais surtout humble. L’ambassadrice de la femme créole, Kendaly Phèle, n’est âgée que de 21 ans. Mais elle s’offre comme modèle à une jeunesse quasiment sans repère. Pour elle, une femme créole est au cœur même du développement de sa communauté. C’est un agent de développement qui transforme son savoir-faire en catalyseur de changement pour sa société à travers la culture.

Kendaly Phèle est cette jeune femme qui est sortie lauréate de la première édition du concours « Créo’la » en Haïti.  Une victoire qui lui a valu le titre d’« Ambassadrice de la femme créole ». Une femme qui doit être le gabarit d’une jeunesse qui s’effrite. Le modèle d’une jeunesse quasiment dépouillée de toutes valeurs.

Kendaly Phèle dans une prise de parole
Crédit photo: Complexe Promo

Avec ses cheveux crépus, Kendaly Phèle nous présente ce modèle de beauté sans artifice mais qui nous frappe dès le premier regard. C’est une jeune femme d’une intelligence extraordinaire et d’une éloquence rare qui nous invite à rêver d’une nouvelle Haïti malgré que les espoirs soient presque totalement volatilisés.

Née à Saint-Michel de l’Attalaye (dans l’Artibonite, nord de Port-au-Prince), la jeune femme de 21 ans semble incarnée l’intrépidité et la mission de Saint-Michel l’Archange. Sauf que pour elle, le diable à abattre est « le phénomène d’effritement de valeurs et l’absence relative de repère de la jeunesse haïtienne ».

Etre Créo’la, une grande responsabilité pour Kendaly Phèle

Kendaly Phèle, l’ambassadrice de la femme créole Crédit photo: Clark Photography

Sa participation au concours Créo’la s’explique d’ailleurs par le fait que cette initiative est prometteuse d’un avenir meilleur pour les jeunes haïtiens. « J’ose dire que cette initiative donne la possibilité à tout le monde de voir, malgré ce phénomène  d’effritement de valeurs et d’absence relative  de repère pour la jeunesse,  qu’il y a des jeunes qui croient en une Haïti meilleure et qui se donnent pour la concrétisation », a-t-elle confié à Le Social haïtien (LSH).

Dès le lancement du concours, la jeune étudiante en Sociologie à l’Université d’État d’Haïti (UEH) a été fascinée par le caractère innovant de l’initiative.  « … J’ai pu remarquer en des jeunes comme moi l’esprit innovateur qui offre à d’autres jeunes un espace pour se montrer à travers leurs capacités », a confié Kendaly Phèle.

Comme une personne ayant trouvé l’âme-sœur, le concours Créo’la a offert à Kendaly l’occasion d’explorer tout un nouveau monde. Pour elle qui aime les aventures, c’est une expérience on ne peut plus enrichissante. Et gagner ce concours offre à la jeune femme l’occasion en or d’être présentée comme un modèle.

Mais, plus que sa fonction de représentation en tant que Créo’la 2017, c’est son devoir qui l’enchante.  » Ce titre me donne pour responsabilité de me lancer dans la lutte pour une autre image de la jeunesse haïtienne », a-t-elle affirmé. En effet, le titre lui permet d’exposer sa capacité en tant que femme, qui est, pour elle, un mobile important  pour montrer la contribution féminine dans le développement de ce pays ».

La femme créole participe au développement de sa communauté

Kendaly Phèle recevant le titre de l’Ambassadrice de la femme créole Crédit Photo: Complexe promo

Lumineuse dans toutes ses prises de parole, Kendaly Phèle ne rate jamais une occasion de se faire admirée. C’est une jeune femme qui a toujours le mot pour convaincre qui est élue Créo’la 2017.

Interrogée sur ce qu’est une femme créole à ses yeux, la Créo’la 2017 n’y va pas par quatre chemins. « Une femme créole  haïtienne  pour ma part est une femme qui est apte à transformer son savoir-faire,  sa détermination et son charisme en un véritable catalyseur de changement pour sa société à travers la culture », a-t-elle soutenu.

A ce niveau, Kendaly Phèle met l’emphase sur le rôle fondamental que la femme peut jouer dans le développement de la société. C’est une sorte d’appel à l’engagement et à la responsabilité  de la femme dans le changement de son milieu.

En tant qu’Ambassadrice de la femme créole, son combat sera tourné notamment autour de la délinquance juvénile, de la migration et des conditions de vie de la population de sa communauté. Un rude combat digne de présenter réellement cette jeune femme comme un modèle pour ses paires et pour la société haïtienne en général.

 


Haïti: ces vies qui perdent de souffle près du site de décharge de Truitier

Truitier (Nord de Port-au-Prince) est cette zone qui donne son nom au site de décharge qui lui enlève illico sa qualité de zone. Quand on parle de Truitier, l’on se réfère plutôt à un lieu conçu pour recevoir les ordures de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Et pourtant, des gens respirent et se meuvent dans cette zone à la réalité biophage.

Il est 11 heures du matin quand nous avons emprunté cette route qui conduit tout droit au site de décharge de Truitier. Une sorte de tracée entre deux immenses montagnes d’ordures. L’odeur de divers déchets pourris n’embaume pas moins que la fumée qui émane de leur combustion. Et nous avançons certain de ne pas croiser une âme qui vit dans ce coin. Petit bout d’espoir qui bientôt volatilisera dans la fumée épaisse qui sert de repère à cette zone.

Des âmes qui respirent au milieu d’ordures

Dans le dos des échafauds d’ordures, l’on peut vivre de chaque côté de la route l’expérience traumatisante de constater des taudis habités, plantés comme de petits caveaux au milieu d’un cimetière abandonné. Même le plus grand optimisme ne permet de croire que des gens puissent réellement « vivre » dans un environnement pareil.

Nous sommes pourtant à des dizaines de kilomètres du site de décharge situé dans la zone. La vie ici s’apparente à la scène qui suit le climax d’un film de guerre. Désolation, tourments, détresse… l’on a plus envie de croire que les gens remarqués dans la zone sont de bons acteurs qui interprètent un rôle dans cette tragédie.

Et surtout que certains d’entre eux ont l’air de s’en ficher pas mal. L’on peut par exemple constater un homme qui avance dégustant (mais Dieu sait comment) son « pen ak zaboka ». Ou un petit groupe de gens qui, quelque peu hilarants, s’assoient aux côtés des grosses piles de déchets pour se partager un « kleren tranpe ». Ou encore un gosse qui roule à bicyclette au milieu des ordures, l’air plutôt émerveillé.

Apparemment, les mouches sont beaucoup plus nombreuses que les riverains. Il n’en est probablement pas moins pour les rats et les cancrelats. Le nombre des habitants n’ira pas en dessous de 800 personnes si l’on veut croire Moïse Jean Frémont. Ce dernier, président du Conseil d’Administration de la Section communale des Varreux dans la commune de Cité-Soleil, veut tout faire pour freiner ce drame.

Les leaders locaux s’en plaignent

« Les gens ne peuvent plus vivre dans de pareilles conditions. Ils ne peuvent plus respirer l’odeur nauséabonde provenant de ces ordures », croit le CASEC de la première section communale de Cité-Soleil. Mais que faire ? « Je crois qu’on doit cesser d’élargir le site. Il faut contraindre les chauffeurs des camions d’avancer beaucoup plus dans le site pour jeter les déchets », propose Fleurismé Alex, ASEC de la même section.

Plusieurs quartiers de la section des Varreux, à Cité-Soleil, connaissent cette tragédie qui est de cohabiter avec les déchets. Bassant, Vaudreuil, Martial, Village des rapatriés, Pois- Congo sont autant de quartiers, à en croire les leaders locaux, qui sont colonisés par les ordures. Toutes des localités qui sont voisines au site de décharge de Truitier.

Causes: parresse des chauffeurs?

Les chauffeurs des camions, expliquent les deux leaders, prennent de plus en plus l’habitude de décharger leurs ordures le long de la route dans tout espace vide qui s’y trouve. Le site étant quasiment saturé, informent-ils, les conducteurs de camions ne se donnent plus la peine d’y arriver. Les zones avoisinantes en paient le prix.

Comble de l’ironie, dans cette zone où tomber malade est plus certain que probable, il n’existe aucun centre de santé à proximité. Normalement, des gens qui vivent dans un environnement pareil vivent comme pour tomber malades. Ne pas avoir un endroit pour se soigner revient à dire qu’ils vivent comme pour mourir.

Il faut préciser qu’à Martial, l’une des localités susmentionnées, la Direction nationale de l’Eau potable et d’Assainissement (DINEPA) exploite une source pour desservir certaines communautés de Cité- Soleil notamment. Ce qui fait dire que le risque de tomber malade est plus urgent que sérieux quand on habite ces zones. Car, quand ces déchets se décomposent, ils s’infiltrent dans le sol pour empoisonner les nappes phréatiques.

« Nous avons sollicité plusieurs rencontres auprès de la direction du SMCRS, mais on nous nie jusqu’à présent. Et pourtant il faut agir. En ce sens, nous comptons entamer un mouvement avec les habitants de la zone pour empêcher les chauffeurs de débarquer leurs camions dans la zone », informe le CASEC de la première section communale des Varreux, qui n’est pas prêt à abandonner la lutte pour freiner ce phénomène.

Force est de reconnaitre que les déchets pouvaient être rendus utiles au lieu de fragiliser les communautés à ce niveau. Mais, nous en sommes loin. Très loin. En attendant des initiatives innovantes pouvant aider à la gestion des déchets, des vies se précarisent à Truitier comme dans beaucoup d’autres zones avoisinantes. Des vies qui perdent de souffle, peut-on dire.

Cet article a été publié par l’auteur le mardi 3 ocobre 2017 sur lenational.ht

https://www.lenational.org/vies-perdent-de-souffle-pres-site-de-decharge-de-truitier/


Haïti: les anciens étudiants d’Afrique continuent d’exiger leur intégration dans l’Administration publique

Suite au séisme dévastateur de janvier 2010, l’État haïtien a donné des bourses d’études à plus de 250 jeunes haïtiens pour étudier en Afrique et, pour certains, en Amérique latine. Au retour, ces jeunes devaient intégrer l’administration publique en vue de la renforcer. Mais, sitôt retournés au pays, ces jeunes sont, pour la plupart, oubliés par l’État haïtien. Certains d’entre eux cherchent, à tout prix, à forcer l’État à respecter ses engagements.

Les anciens étudiants haïtiens d’Afrique et du Venezuela ne veulent plus évoluer en marge de l’administration publique. Après avoir passé plus de deux ans sans y être intégrés, ces jeunes cadres sont déterminés à faire pression sur les autorités étatiques en vue de leur nomination et de leur titularisation dans des institutions de l’État.

Dans une pétition adressée au directeur général de l’Office de Management et des Ressources humaines (OMRH), ces jeunes, regroupés au sein du Collectif des anciens étudiants haïtiens de l’Afrique et du Venezuela (CAEHAV), font exigences à l’État haïtien de respecter ses engagements.

Nomination et titularisation de certains d’entre eux, mis en stage de quelques autres, leurs revendications sont claires. Leur intégration dans la fonction publique est un droit non négociable. En effet, lit-on dans la pétition adressée à l’OMRH, « cette coopération (entre Haïti et certains pays d’Afrique et le Venezuela) avait pour motifs principaux le renforcement de l’administration publique et la mise en application des compétences acquises au service de la Nation ».

En ce sens, il est une obligation pour eux d’exiger de l’État haïtien le respect de son engagement. Au moment où de nombreux jeunes haïtiens quittent le pays pour se rendre en Amérique du Sud, eux ne veulent en aucun cas repartir. « Ils veulent que nous partions. Mais nous allons rester. Il faut qu’ils respectent leur engagement », affirme non sans conviction Federge Alexandre, une jeune femme faisant partie de ces cadres.

Bénéficiaire d’une bourse de l’État, Federge a quitté le pays en 2011 pour se rendre au Bénin. Pendant trois (3) ans, la jeune femme a fait des études en communication et journalisme avec l’idée de revenir servir son pays. D’ailleurs, retourner au pays lui était imposé comme à tous les autres boursiers. Mais, à sa grande surprise, l’État n’a, jusque là, manifesté aucun désir de l’intégrer dans l’administration publique.

Beaucoup auraient même pu rester dans leurs pays d’accueil et construire une carrière. C’est le cas par exemple de Fanfan Francilloux qui a trouvé un contrat dans une organisation béninoise. Ce jeune qui a étudié l’administration générale au Bénin était contraint par l’État haïtien de retourner en Haïti. Ce qu’il a fait le 29 décembre 2015. Mais depuis, le jeune vit dans le chômage sinon un stage dont il a bénéficié.

Au fait, après plusieurs mouvements de protestation organisés par ces cadres, notamment des sit-in de plusieurs jours à la primature en 2016, l’ex-Premier ministre Enex Jean-Charles a permis à 22 d’entre eux, via l’ORMH, de bénéficier des stages (non payés) dans plusieurs institutions publiques.

Leurs rapports de probation positifs, ces jeunes attendent maintenant leur nomination et leur titularisation en fonction de leur niveau de formation. D’un autre côté, ils exigent à l’État haïtien de mettre en stage les autres jeunes qui restent, jusqu’à présent, sans rien faire.

Plusieurs correspondances ont été adressées à cet effet à l’actuel directeur général de l’Office de Management et des Ressources humaines (OMRH). Mais ils déplorent que l’ORMH ne leur ait jamais répondu. Après leur pétition, ces jeunes menacent d’entamer une nouvelle phase dans leur lutte en cas de dédain des autorités.

Cet article a été publié par l’auteur le 11 septembre 2017 au quotidien Le National

https://www.lenational.org/anciens-etudiants-dafrique-continuent-dexiger-integration-ladministration-publique/


#Mondochallenge : Quelle rentrée des classes en Haïti ?

Ce lundi 4 septembre, c’est la rentrée en Haïti. Si, certains enfants regagnent véritablement leur salle de classe, d’autres ne savent même pas quand ils auront la chance de faire leur « back to school ». Pour cause, la situation économique difficile des parents notamment.

Pendant ce temps, le gouvernement se vante de « nouvelles dispositions » prises en vue de la réussite de l’année scolaire. Programme de subvention et de dotation d’ouvrages scolaires, réhabilitation de la signalisation et des infrastructures routières, désenclavement et système d’éclairage des rues… bravo l’Etat, vous avez BEAUCOUP fait. La réussite de la nouvelle année est pleinement garantie. Même si dans les rues, ces dispositions n’ont pas toutes été réellement constatées.

Une rentrée sur fonds de crise

Il faut rappeler que la rentrée est annoncée cette année sur fond de crise. Qui ne se rappelle pas que l’année scolaire de l’année dernière n’a pas été bouclée à cause de mouvements de grève d’enseignants et/ou d’élèves ? En fait, l’on doit ici préciser qu’il est surtout question des écoles publiques. Les lycéens des classes à examens officiels ont dû, pour la plupart, volé de leurs propres ailes afin de tenter leurs chances aux examens d’Etat.

C’est dans tout le pays que des enseignants se sont soulevés contre un « système éducatif boiteux qui ne parvient même pas à les offrir le strict minimum pour vivre. C’est le ministre de l’Education nationale lui-même qui a déclaré au parlement (mai 2017) que près de 2700 enseignants, détenant leur lettre de nomination, travaillent chaque jour sans être rémunérés. C’est encore le ministre qui a reconnu que près de 3000 personnes enseignent dans le système sans nul statut.

Des directeurs d’écoles du Programme de Scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) de l’ancien président élu n’ont pas cessé d’exiger au gouvernement de leur payer. À cette date, la dette de l’État quant à ce programme s’élève à 3 milliards de gourdes, soit plus de 45 millions de dollars américains.

Outre cela, les problèmes récurrents du système éducatif haïtien sont loin d’être résolus. Nomination des enseignants, paiement d’arriérés de salaire… les mêmes problèmes continuent de menacer la nouvelle année académique.

La rentrée : casse-tête pour les parents

Ce lundi 4 septembre est loin d’être la rentrée de tous les écoliers. Même à Port-au-Prince, le nombre des écoles qui rouvrent leurs portes sont minimes. Il faut préciser que cette situation n’a rien de surprenant en Haïti. Les années antérieures en disent long. Les rentrées scolaires sont toujours l’affaire exclusive d’un petit groupe. Quel est le problème ?

D’abord, la situation économique des parents. Non, ce n’est pas que ces derniers ne connaissent pas l’importance de l’école dans la vie de leurs enfants. Au contraire, la rentrée est souvent une période de stress et de casse-tête pour les parents haïtiens.

Ils ne ratent jamais la moindre occasion de dénoncer les autorités qui ne leur accordent aucune subvention ou tout autre accompagnement pour la rentrée. Quand on leur parle, ils voudraient tous envoyer leurs enfants à l’école dès le premier jour. Mais, expliquent-ils, leur situation économique leur joue des tours. Certains racontent qu’ils doivent encore de l’argent dans les directions d’écoles sur l’ancienne année académique.

Pour certains enfants (un grand nombre), la rentrée est peut-être dans deux semaines. Dans trois ou quatre pour d’autres. Il y a également cette pratique en Haïti qui vise à envoyer les enfants à l’école au mois de janvier. Juste parce que les parents sont pauvres. Ils ne disposent que de la volonté d’envoyer leurs enfants à l’école.

La non-assistance de l’État retarde également la rentrée de certains enfants. Chaque année l’on parle de subvention sur les manuels scolaires. Mais en réalité, les prix des ouvrages ne cessent d’augmenter. L’année dernière, c’est après plusieurs semaines de classe que cette dite subvention a été effective. Pour cette année, elle reste jusqu’à présent incertaine.

Une école à plusieurs vitesses

Dans une situation pareille, l’école haïtienne fonctionne à plusieurs vitesses. Pour une série d’enfants, l’école consiste à passer dix mois en salle de classe. Tandis que pour d’autres, c’est 8 mois ou encore moins. L’on comprendra que ceux-ci n’auront jamais le même type de formation que les premiers.

Et pourtant, en fin d’année, tout le monde va subir les mêmes examens officiels. Donc, les performances ne seront jamais les mêmes. C’est pourquoi, très souvent, beaucoup se réfèrent à la tricherie aux examens d’État. Nombreux sont ceux qui cherchent à réussir, mais peu ont réellement cette chance. Car tous n’ont pas reçu la même préparation. Le taux de réussite (30,74%) aux derniers examens du baccalauréat en dit long.

L’on ne cesse de clamer que l’éducation élève l’homme à la dignité de son être. Cependant, à bien observer le système éducatif haïtien, l’on peut se demander si les autorités de chez nous saisissent réellement le sens de cette citation.


Camp « La Piste » : le cimetière des handicapés d’Haïti

Selon certains chiffres, le nombre de personnes vivant avec un handicap physique en Haïti a augmenté de 10 % après le séisme de janvier 2010. D’aucuns ne se sont peut-être jamais demandé ce qui est arrivé à ces Haïtiens que le tremblement de terre a paralysés ou rendus claudicants. C’est au Camp « La Piste », dans la capitale haïtienne, que beaucoup d’entre eux s’efforcent de rester en vie.

C’est dans la zone appelée « sou pis », ancienne aviation, à Port-au-Prince, que se situe le camp « la Piste », ce site aménagé pour recevoir les handicapés du séisme de janvier 2010. L’entrée de ce camp est ce genre d’endroit où le moindre souffle du vent peut être aussi calamiteux qu’une averse. Des abris, sorte de nids à rats, construits depuis 2011, parlent autant de misère que les pieds sans chaussures, les bâillements itératifs et les vêtements misérables des premiers enfants rencontrés.

Toutes sortes d’ordures jonchent ce sol à bout de souffle. C’est un environnement qui affiche « open for sickness » ici et là. Devant leurs « shelters » de galère, certaines personnes nous saluent d’un regard fatidique, humecté d’un « je n’en peux plus ». Nous sommes en un lieu où le sourire ne peut être qu’inattention.

« La Piste » est le camp des éclopés, des manchots, des amputés de jambes, des non-voyants, des sourds-muets. C’est également le camp des personnes vivant avec toutes sortes d’anomalies psychiques.

 « La vie ne peut pas être ça »

Scène de vie sur le camp la piste Photo: Ritzamarum Zétrenne

Au départ, soit en 2011, pas moins de 378 familles ayant chacune au moins une personne handicapée ont été placées par une organisation humanitaire sur ce site. « On a construit les shelters que vous voyez pour nous en nous promettant des maisons permanentes après 3 ans au plus tard. Mais, nous sommes abandonnés ça fait longtemps par cette organisation », a fait savoir Philogène Jocelyn.

Ce dernier est reconnu sur tout le site comme un leader pour la zone. Il est un non-voyant qui dirige la Congrégation des aveugles d’Haïti (COAH). Pour lui, il faut être inhumain pour oser avouer que les habitants du camp « La Piste » sont en vie. « La vie ne peut pas être ça. Non ! Au grand jamais », martèle Philogène, derrière ses lunettes noires, propres à dissimuler son handicap.

Sinon, ces gens qui respirent et qui se meuvent avec leurs handicaps, rien ne permet de croire que la vie existe dans ce coin. Il leur faut, le plus souvent, à ces personnes handicapées parcourir plusieurs kilomètres pour trouver de l’eau (non-traitée) pour étancher leur soif ou se laver et laver leurs vêtements. Leurs abris ne parviennent plus, pour la plupart, à tenir. Les planches étant pourries, ces constructions ne servent plus que comme espace pour s’abriter du soleil.

Arindal Pierre Richard est conseiller général de l’Association des personnes handicapées pour la promotion du sport (APHAPS). Si le tremblement de terre lui a fait perdre sa jambe, il ne lui a pas enlevé son courage et sa détermination à dénoncer le laxisme des autorités établies. « Ils passent tous les jours sur la route de la piste. Ils nous voient. Ils sont au courant de notre situation. Mais jamais ils n’ont pensé à faire quelque chose pour nous. Ils nous abandonnent volontiers. Mais ça, nous ne l’accepterons jamais, car nous sommes tous des Haïtiens », lance Pierre Richard entre déception et fureur.

 Quand tout le site se fait latrines

Une vue des latrines utilisées par les handicapés
Photo: Ritzamarum Zétrenne

À mesure que l’on avance sur le site, la précarité de la zone devient beaucoup plus poignante. Si ce ne sont pas des enfants handicapés, dépourvus de moyens de locomotion, qui se trainent sur le sol immonde du camp, ce sont des adultes qui lancent leurs matières fécales dans des sachets dans un canal qui chevauche le site.

En réalité informent quelques personnes, les rares latrines qui existent dans la zone sont déjà trop remplies. Les conséquences ne sont pas minimes. « Les gens vivent au milieu de leurs propres excréments. Nous avons des handicapés ici qui ne peuvent même pas se tenir debout. Donc, ils font leurs besoins n’importe où, même à l’intérieur des abris », regrette Guermann Otilus, un jeune de la zone dont le père est complètement paralysé.

C’est au milieu d’angoisse et de désolation que cette communauté vit sur le camp « La piste ». Aucune infrastructure adaptée à leurs conditions, et pourtant ils ont été placés là par une organisation humanitaire, disent-ils.

Dieumatanne Ilus, un exemple poignant de désolation

Dieumatanne Ilus en est l’exemple de désolation et de déprime. Elle préparait de la nourriture pour son petit garçon quand, au lendemain du séisme, ce dernier s’est évanoui. Mais à son réveil, elle n’avait plus le petit bonhomme qu’elle avait eu avant l’évènement. Son fils est devenu totalement paralysé et ne pouvant même plus prononcé un seul mot. « Ce n’est plus mon enfant. Il est devenu inconscient de toutes ces actions. Il ne sait même pas quand il a envie d’uriner ou déféquer », raconte Dieumatanne avec des larmes aux yeux.

Cette femme est placée sur ce site sans le moindre moyen de vivre. Même sa propre vie est en danger vu sa condition déplorable. « Ce sont des gens à l’église et de bons voisins qui me nourrissent chaque jour. S’ils ne me donnent pas quelque chose, je ne mange pas », se plaint-elle dans une voix remplie de tristesse. Malgré tout, Dieumatanne n’a pas le courage d’utiliser son petit garçon pour demander de l’aumône dans les rues de la capitale.

 Restaurant communautaire et maisons, leurs besoins urgents

Très souvent, des incidents se produisent aux alentours de site mettant davantage en danger les habitants qui s’y trouvent. Il est même arrivé, racontent-ils, qu’un sourd-muet ait été victime en circulant dans les périmètres du camp pendant que la police pistait des bandits.

Leurs revendications ne réduisent qu’en un mot : la présence de l’État. Ils veulent que les autorités se penchent sur leur situation. Restaurant communautaire, maisons plus ou moins décentes, latrines, électricité, eau potable… leurs attentes sont nombreuses. En attendant une intervention des autorités, leur zone n’est qu’un camp de déprime et de mort lente.

Cet article a été publié par l’auteur au journal Le National, le 30 aout 2017

https://www.lenational.org/camp-piste-cimetiere-handicapes/


Un mondoblogueur remporte le Prix du jeune journaliste en Haïti

La cérémonie de la remise des primes de la troisième édition du concours « Prix du jeune journaliste en Haïti » a eu lieu le 20 juillet 2017. Une cérémonie qui a consacré le jeune Hadson Archange Albert, un mondoblogueur haïtien, lauréat de la catégorie Presse écrite.

Avec son reportage, « Arris Desrosiers, le petit poucet qui montre déjà la voie face à la dégradation de l’environnement », Hadson Archange Albert a réussi à remporter le Prix du jeune journaliste en Haïti. Dans ce reportage, le mondoblogueur a voulu présenter au public un modèle d’entreprise, à l’initiative de deux jeunes, qui vise à recycler au moins 20 millions de sachets en plastique pour produire des sacs à main, sacs à dos entre autres.

En Haïti, les déchets en plastique représentent un sérieux problème. Non sensibilisée sur la gravité de la situation, la population jette incessamment, et sans gêne, des sachets d’eau et toute autre matière en plastique dans les rues.   Le manque de poubelle en vient à renforcer le problème qui, de plus en plus, tend à devenir indomptable.

C’est animé par le désir de combattre ce fléau qu’Hadson A. Albert est parti à la recherche d’initiatives visant la protection de l’environnement. Après avoir produit son reportage, Hadson dit avoir pensé au concours « Prix du jeune journaliste », dont la troisième édition voulait primer des reportages originaux présentant des initiatives innovantes dans le domaine environnemental en Haïti.

C’est ainsi que le jeune mondoblogueur a participé à ce concours organisé par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Avec ce sacre, Hadson A. Albert rejoint Widlore Mérancourt, qui a remporté ce prix l’année dernière.

Un autre mondoblogueur s’est également distingué à cette troisième édition du « Prix du jeune journaliste en Haïti ». Worlgenson Noel a de son côté fini 3eme lauréat dans la catégorie Presse écrite.

Ce prix permettra à Hadson Archange Albert de participer à une manifestation intitulée « Médias et démocratie » qui sera organisée par l’Université Libre de Bruxelles (Belgique) début octobre dans le cadre du 20e anniversaire de la coopération Haïti-Wallonie- Bruxelles internationale (WBI). Le lauréat bénéficiera également d’un abonnement numérique au Monde diplomatique, d’un dictaphone, d’un manuel de journalisme, d’un dictionnaire de langue française, d’une attestation de participation…

 


Haïti: ces gens qui ne vivent plus depuis le 12 janvier 2010

Sept années après le tremblement de terre de janvier 2010, beaucoup de gens sont restés dans la crasse. Ayant perdu proches et biens sous les secousses telluriques, ces gens vivent dans des conditions exécrables attendant encore une intervention des autorités concernées. Nous sommes allés rencontrer quelques personnes dans un camp à Delmas 41(Une commune située au Nord de Port-au-Prince).

Le petit camp de déplacés de Delmas 41, à la rue Gabart, abandonné depuis sa genèse en 2010, n’est pourtant pas difficile à se faire voir. Entre ce camp à l’existence insolite et la Mairie de Delmas, il n’y a que quelques mètres. La distance est si réduite que le premier cri surgissant au milieu de ces sans-abris peut réveiller même d’un sommeil de plomb quiconque se trouverait à l’intérieur de la Mairie.

Aucune assistance depuis 2010

Cependant, après sept années, les 200 familles qui habitent ce coin immonde et insalubre n’ont jamais reçu la moindre assistance des autorités. Des organisations non gouvernementales ont seulement fait le recensement sur le camp donnant une petite carte à chaque famille avec l’espoir de les apporter mains fortes dans leurs déboires.

Mais, ils n’ont rien reçu. Sauf, informent-ils, des latrines qu’une ONG a fait construire sur le camp. Mais aujourd’hui, toutes ces latrines sont impraticables n’ayant jamais été entretenues. Les tentes de bâche et de vieilles tôles pourries pullulent ce petit camp au point qu’y circuler est un casse-tête.

Après sept ans, les prélarts sont tous délabrés et troués. Ce sont encore des logements de fortune qui abritent ces familles à Delmas 41. Leurs petites habitations misérables souffrent autant qu’elles les font souffrir. « Quand il pleut, nous sommes obligés de dormir debout », se plaint une femme rencontrée sur ce camp, honteuse de sa situation lamentable.

Une petite maison de fortune
Crédit: Ritzamarum Zétrenne

À l’intérieur de chaque tente, l’on peut remarquer un lit dont beaucoup sont sans matelas. De vieux tabourets leur servent de chaises. Pour certains, c’est à même le sol qu’il faut s’asseoir sur une roche ou sur des chaussures. Tout se fait à l’intérieur de ces tentes abimées.

Une communauté assoiffée de vie

Ici, selon les informations des habitants, de nombreux enfants, nés dans cet enfer, n’ont jamais pris les chemins de l’école. D’ailleurs, les parents n’ont aucun moyen. « La majorité des femmes ici sont obligés de vendre leur corps à force qu’elles ne trouvent rien à faire. Leur situation est vraiment chaotique », affirme Wolfort Dervil, le jeune homme responsable de ce camp.

Quand nous sommes arrivés, ce lundi 24 juillet 2017, sur ce camp de détresse, les gens que nous avons rencontrés sont plutôt des personnes assoiffées de vie. Au milieu de ces taudis de misère, des enfants cherchent quand même le moyen de sourire. Des jeunes tentent de refouler leurs émois par un joint de marijuana. Les jeunes femmes sont plutôt à l’aise dans leurs pantalons « san fouk ». Puisqu’il fait bon en ce lundi, l’inquiétude n’est pas trop grande. Mais, à chaque fois qu’ils entendent parler de la pluie, informent-ils, ils commencent à souffrir.

Des enfants qui essaient de s’amuser
Crédit: Ritzamarum Zétrenne

Selon Wolfort, le choléra a fait de nombreuses victimes dans cette communauté. Le jeune responsable redoute une éventuelle recrudescence de cette épidémie dans le camp en cette saison cyclonique tant les conditions de vie sont inhumaines. « Alors, nous demandons à l’État de penser à nous. Nous sommes là depuis longtemps. Nous voulons retourner à la vie », demande-t-il d’une voix plaintive et en feu.

Non loin de la Mairie de Delmas, les déplacés du camp de la rue Gabart se considèrent comme des gens privés de vie depuis 2010. Sept années plus tard, ils n’ont qu’une attente : sortir de leur situation crasseuse et revenir à une vie digne d’un être humain. Un droit qu’apparemment les autorités semblent oublier.

Cet article a été publié par l’auteur au journal Le National, le 25 juillet 2017

https://www.lenational.org/tentes-12-janvier-2010/


Haïti : nos compagnies téléphoniques, nos sangsues

En Haïti, deux compagnies fournissent des services de téléphonie mobile à la population. Jouissant de l’absence d’un cadre légal assurant la protection des consommateurs dans le pays, ces dernières les exploitent à outrance. Une situation qui provoque souvent un mouvement de grogne sur les réseaux sociaux.

Chaque jour, sur les réseaux sociaux, les Haïtiens dénoncent les abus des compagnies téléphoniques. Seules deux compagnies se partagent le marché dans ce secteur. Le consommateur qui voudrait changer de compagnie comprendrait vite qu’il tombera forcément de Charybde à Scylla ! Aucune issue pour celui-ci, bref, on est exploité de part et d’autre.

Vider le compte des clients

Les consommateurs qui se plaignent d’avoir perdu leurs unités de recharge sont légion dans le pays. Et le cas est si courant qu’on pourrait se demander si cela n’entre pas dans la stratégie de ces compagnies pour s’enrichir. Vider le compte des clients sans explication, voilà un fait bien courant que pratiquent les compagnies téléphoniques en Haïti.

Même les « Mégabyte » des clients s’envolent de manière inexplicable. Les bouderies des consommateurs qui dénoncent cet état de fait, y compris à la radio, ne suffit pas pour changer la donne. D’ailleurs, les consommateurs demeurent aux oubliettes de la législation haïtienne qui ne leur octroie aucune protection. Quant aux médias, ils n’optent pas toujours pour la critique de ces compagnies, car elles sont de très bons commanditaires.

Mauvaises qualités de services

Vient s’ajouter à cela les mauvaises qualités de services « offerts » par ces compagnies. A certaines heures de la journée, il est fort difficile d’accéder à internet via son Smartphone, ne serait-ce que pour utiliser Whatsapp ! Regarder une vidéo You Tube est très souvent un exercice compliqué qui devient complètement souvent impossible.

Il est même arrivé une fois qu’une émission de radio, très écoutée dans le pays, soit importunée à cause des mauvaises qualités de services des compagnies. L’animateur devait recevoir son invité pour un entretien téléphonique en direct. Mais des coupures intempestives à cause des problèmes de signal ont saboté l’émission de ce jour. Quelques heures plus tard, la compagnie téléphonique a publié une note pour s’excuser auprès de sa clientèle et a promis que ce genre d’incidents ne se répéteraient pas.

Mais elle n’a pas réussi à tenir sa promesse. Récemment, pendant plusieurs jours, les clients de cette même compagnie se trouvaient dans l’impossibilité d’envoyer des SMS. Cette fois, l’excuse est tout autre. Sur tous les portables, la compagnie a informé que des travaux étaient en cours sur le réseau. Ce serait donc la raison pour laquelle certains services sont restés paralysés pendant plusieurs jours…

Carte SIM en vente sans contrôle

Pire que tout cela, les compagnies téléphoniques ne connaissent pas toujours leurs clients. Elles n’ont pas d’informations pour les identifier correctement, par exemple leur adresse, etc. Des cartes SIM sont vendues partout dans le pays comme des lots de patate. On peut avoir autant de numéros qu’on veut ! Ce qui peut faire l’affaire des kidnappeurs. C’est dire que les compagnies téléphoniques contribuent à l’insécurité sans même s’en soucier.

La police nationale ne peut pas toujours compter sur les compagnies téléphoniques pour démasquer des brigands. Quand un ravisseur appelle quelqu’un pour demander une rançon, il n’a même pas besoin de masquer son numéro ! A quoi cela servirait-il puisque les compagnies ne détiennent pas d’ informations sur les utilisateurs !

Dans une telle situation, les clients ont besoin d’appeler le service à la clientèle pour se plaindre. Mais, la route leur est barrée : le service à la clientèle est très souvent inaccessibles. On peut appeler autant qu’on veut, un seul message : « tous nos agents son occupés à servir d’autres clients, restez sur la ligne, un agent va vous servir dans quelques instants ». On peut passer des heures à attendre… sans que ce fameux agent ne vienne nous servir. Au final, on nous propose d’appeler sur un autre numéro, plutôt payant ! La plupart des clients refuse. Mais après plusieurs tentatives le même mois pour appeler le service à la clientèle, la ligne est devenue payante. Donc, le client qui se trouve dans la nécessité de demander de l’aide doit payer pour parler aux agents du fameux service à la clientèle.

Quel recours pour les consommateurs ? Sans cadre légal ces compagnies continueront d’exploiter comme bon leur semble la population. La situation est d’autant plus grave que les compagnie de téléphonie ont financé les campagnes électorales des dernières élections dans le pays. Nul ne sait quelles promesses leur ont été faites.

 


Début de la saison cyclonique en Haïti : quand les autorités n’acceptent pas la réalité

Comme d’habitude, le 1er juin a marqué le début de la saison cyclonique en Haïti. L’occasion pour les autorités d’inviter la population à garder le calme, « tout est sous contrôle », essaient-elles d’infuser dans la tête des gens… Mais la réalité, à chaque coin de rue, donne une toute autre impression.

C’est par une « belle » cérémonie que le gouvernement haïtien a officiellement lancé, jeudi 1er juin, la saison cyclonique. Une cérémonie qui a réuni les représentants des trois pouvoirs de l’État, dont le chef de l’État et les présidents des deux chambres. Les maires de certaines communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince étaient également de la partie. Finalement, ministres, maires, premier ministre et président de la république, tous les hauts gradés étaient là pour faire croire à la populace qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Tantôt les autorités se vantent d’avoir fait déjà beaucoup pour préparer et anticiper la saison, tantôt elles promettent à la population de l’assister au cours de cette période tant redoutée. Où est la cohérence ?

Des mesures qui ne rassurent pas la population

Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, Max Rudolph Saint-Albin, a fait part de tout un ensemble de mesures prises par le gouvernement en préparation à la saison, « les actions de préparation pour la saison cyclonique, tant au niveau central que départemental, ont été initiées dès les premiers mois de l’année et se poursuivront tout au long de la saison », a-t-il affirmé.

Le ministre a annoncé, entre autres, l’organisation d’ateliers de travail, l’élaboration du plan de contingence national pour 2017, la poursuite de la sensibilisation de la population, l’identification de la liste des abris provisoires, le renforcement des comités communaux de la protection civile et de leurs brigadiers, etc.
De son côté, le président de la république, Jovenel Moise, a voulu rassurer la population : « je serai à vos côtés avec tout le gouvernement pour vous accompagner pendant toute cette période préoccupante », a-t-il annoncé. Une promesse que le président de la république ne pourra pas tenir seul : « j’encourage les acteurs étatiques et la Société civile à travailler ensemble et à redoubler de vigilance », a-t-il réclamé.

La supercherie des autorités

De son côté la mairie de Port-au-Prince n’a pas mâché ses mots. « Nous sommes prêts », ont dit les responsables de la mairie de la capitale. Une belle supercherie pour certains… un coup d’œil dans les rues de la capitale suffit pour désapprouver les autorités. Pour rappel : huit mois après le passage de l’ouragan Matthew, des milliers de gens vivent encore dans des maisons de fortune dans le grand sud du pays. De très nombreuses personnes souffre de malnutrition dans cette région. Sans compter que toutes les infrastructures routières et agricoles ont été sévèrement touchées par l’ouragan. Le bâti s’est fragilisé à un point tel que la moindre petite rafale est à redouter.

À Port-au-Prince et dans certaines communes avoisinantes, comme Tabarre et Cité-Soleil (Nord de la Capitale), les moindres gouttelettes de pluie plongent la population dans la galère, les déchets obstruent la plupart des canaux. Deux heures de pluie suffisent pour que des quartiers de la capitale, comme Martissant, La saline, Cité de l’Éternel, soient impraticables.

La question qui fâche

Récemment, il y a un mois de cela, de nombreuses zones de la capitale ont été inondées. La population se plaint de n’avoir reçu aucune aide jusqu’à présent. Les habitants des zones inondées affirment que les autorités ne leur ont point tendu la main. Cela pousse la population à prendre comme du charabia les promesses du gouvernement pour cette saison cyclonique, qui prendra fin le 30 novembre.
La question qui se pose est simple : comment un gouvernement, qui n’a pas pu répondre aux urgences des populations sinistrées lors de la saison antérieure, peut les protéger cette saison ? Ou encore, comment un État qui ne peut répondre aux urgences occasionnées par deux heures de pluie peut-il secourir la population pendant une période cyclonique qui va durer six mois ?


Nègre et blanc, pas seulement une affaire de couleurs en Haïti

La construction du sens des mots est un phénomène plutôt intéressant. L’on constate que le sens des mots ne se construit pas en dehors de la réalité socio-culturelle et historique d’un peuple. Si les mots d’une langue voyagent d’un pays à l’autre, ils ne gardent pas toujours leur sens premier. Ici, nous allons le voir avec les deux mots: Nègre et Blanc.

En Haïti, les mots « nègre » et « blanc » ne charrient pas toujours une question de couleur. L’utilisation de ces mots renvoie tantôt à des valeurs tantôt à une question ontologique.

Ici, je compte juste attirer votre attention sur les différents sens que ces mots peuvent prendre en Haïti. Au premier abord, l’on aurait cru que parler de « nègre » renverrait à la couleur de peau de la majorité des Haïtiens. Et le mot « blanc » devrait qualifier ceux qui appartiennent à la « race blanche ».
Toutefois, ces deux mots servent à décrire d’autres réalités en Haïti. Des valeurs ou de simples qualités. Allons voir ce que traduisent « nègre » et « blanc » pour les Haïtiens. Pas besoin de parler du sens premier de ces mots. Le dico nous dira que blanc est celui qui appartient à la « race blanche ». Et nègre est une personne de « race noire ».

Blanc : un étranger

En Haïti, le blanc est souvent un étranger. Celui qui vient d’un autre pays. Peu importe le pays. Comment on vous appelle ailleurs ? Noir ? Negro ? Blanc ? Jaune ? Venez en Haïti et vous serez appelés blancs.
Haïti est ce pays où l’on ose appeler un africain un « blanc africain ». Oxymorique, non ? L’on entendra aussi appeler l’ « afro-américain » un « blanc noir ». La couleur importe peu ici. Tout étranger est un « blanc ». Même le dominicain qui habite l’autre bout de l’ile d’Haïti est appelé blanc en Haïti.
Blanc américain, blanc français ou, comme je l’ai dit, blanc africain. Pour les distinguer, on sert du nom de leurs pays d’origine.

Blanc : un sérieux

L’Haïtien sérieux est un blanc. Héritage colonial. C’est un peuple qui a connu l’esclavage. On lui a fait croire que tout ce qui est de bon est du « blanc ». Si vous avez un rendez-vous et vous venez à l’heure, en Haïti, vous êtes un blanc.
On dira que vous êtes un « blan gason » (garçon blanc) si vous respectez toujours vos engagements. Celui qui honore toujours ses promesses est un « blan gason ».

Blanc : un intelligent

À l’école, l’élève le plus doué en maths est un blanc. Mais bon, pas seulement en maths. Tout élève studieux et brillant est un « blanc ». « Ce type est un véritable blanc », on entend souvent cette phrase. Comme si l’intelligence était la simple affaire des blancs. Là encore, c’est le genre d’idées fabriquées à coups de marteaux aux temps de la colonisation.
Celui qui excelle dans quel que soit le domaine est un blanc. Un ingénieur Haïtien peut être un « blanc » de la construction. En informatique, encore plus. « Celui-là est un blanc en informatique », dira-t-on. Et ainsi de suite.

Nègre : un être humain

Je vais m’arrêter là. Mais avant, parlons du mot « nègre ». Chez nous, nègre ne veut pas toujours dire noir. Croyez-moi ! Un « nèg » (traduction créole du mot) est un être humain de sexe masculin. Peu importe sa couleur de peau. Si vous êtes de teint clair, les Haïtiens vous appelleront un « nègre rouge ». L’homme noir est un « nègre noir ». Vous comprenez, hein ?
De même qu’on qualifie l’homme noir de blanc en Haïti s’il est d’un autre pays, le blanc pour un Haïtien est un nègre. Car, nègre est synonyme d’homme. Les Haïtiens diront par exemple « ce blanc est un bon vieux nègre ». À ce sujet, l’histoire nous enseigne que Jean-Jacques Dessalines, le père de l’indépendance, dans sa première constitution, a fait de tous les Haïtiens des noirs. Et ce, au-delà de la couleur de peau. Dessalines a voulu ainsi éliminer les préjugés de couleur dans le pays.

Vous avez tout compris j’espère. Voyons cela. « Ce nègre est un véritable blanc ». Cette phrase veut dire quoi selon vous ?


« À l’abri, voici le monstre ! »

Et tout le monde se met à courir. Sans trop savoir où se diriger. Sans même savoir si courir est la solution. On court parce qu’on est obligé de courir. On court pensant se sauver. On court voulant se sauver. Pas question de se laisser broyés par le monstre.


Ce jour-là, les gens ont été particulièrement pressés dans les rues de Port-au-Prince. Même le soleil d’ailleurs. À quatre heures de l’après-midi, il n’était plus là l’infidèle. De nuages sombres l’ont contraint de se camoufler abandonnant ainsi la nature qu’il était censé réchauffer. Le temps faisait la demoiselle, aurait dit ma mère. Ne me demandez pas pourquoi elle assimile le temps à une demoiselle. Je ne sais pas.
En tout cas, ce jour-là, le temps avait l’humeur acariâtre d’une demoiselle larguée par le mec en qui elle plaçait toute sa confiance. Vous comprenez, hein ? Et à Port-au-Prince on n’aime pas ça. Quand le temps se fâche tout le monde a peur. Tout le monde se presse. Même moi d’ailleurs.

La grande panique

J’étais sur la grand-rue de Port-au-Prince à observer les gens qui s’alarment a l’approche de ce qu’ils considèrent être un danger imminent. Ils courent dans toutes les directions. Sauf ceux qui y habitent en fait. Vous ne me demandez pas compte, mais des gens habitent la grand-rue de Port-au-Prince. Surtout des femmes. Celles qu’on appelle des « prostituées ».
Sur la Grand-rue, ce jour-là, les Tap-Tap se faisaient rares. Ah ! Les chauffeurs ont du avoir peur de se mettre en danger à l’approche du monstre. Le nombre de gens qui voulaient rentrer chez eux a augmenté à mesure que les minutes et les secondes avancent. La pression était grande. Trop grande.
Soudainement, j’ai entendu une voix, en détresse, criant « Voici le monstre, à l’ abri! ». Et le cri se faisait entendre partout, comme une alerte a la bombe. Seuls les gens pouvaient courir aussi vite que ce cri d’alarme. La Grand-rue se faisait le théâtre d’un grand mouvement de panique.
Et la pluie se mettait à tomber. Elle tombe comme si elle voulait se moquer de tous ces gens qui courent, désormais, tout trempés sur la Grand-rue. Elle tombe comme pour ridiculiser les voitures de vitres teintés qui se démêlent dans les ordures qui déferlent sur la Grand-rue de la Capitale. La pluie tombe comme une folle. Comme une pute qui a le besoin de se faire voir.

Après la pluie, l’embouteillage

Entre temps je me faufile entre les foules de gens qui cherchent un abri sous les galeries des maisons closes de la Grand-rue. Là, j’observe bouche bée la laideur de ma capitale dénudée au milieu de cette rue désormais plus rivière que rue. Une rivière en crue qui emporte misère et vulnérabilités de toute une capitale.
Personne n’aurait souhaité se retrouver dans les rues de la capitale au passage du monstre. J’ai passé près deux heures sur la Grand-rue. Et la pluie s’arrêta. Ouf ! Mais…
Le monstre a bloqué toutes les parcelles de route qui pouvaient me conduire chez moi. Plus possible de rentrer en Tap-Tap. En fait, le monstre a éliminé cette possibilité. Après la pluie, à Port-au-Prince, croyez-moi, de nombreuses gens regrettent d’avoir possédé un véhicule. J’ai dû rentrer à pieds. À cause du passage du monstre.

Le bilan

Le lendemain, le ministère de l’Intérieur, comme toujours, a fait le bilan. L’État, chez moi, vous dis-je, est plutôt Pompier. Vous connaissez sûrement ces agents de secours qui viennent toujours après les incendies. A la différence des sapeurs-pompiers, quand l’État de chez moi intervient après les catastrophes, il ne fait pas grand-chose. Bref ! On était au bilan.
Sept décès et de nombreux dégâts enregistrés. Des dégâts dans l’habitat, dans les infrastructures agricoles et surtout routières. Le pays est donc saccagé et démantibulé par le monstre. Seulement pour son passage de deux heures. Tout le monde, de près ou de loin, est touché par les dégâts occasionnés par ces pluies.
La pluie est peut-être un simple phénomène météorologique ailleurs, mais chez moi, c’est un monstre. Nul n’est à l’abri quand il pleut. Et pourtant, l’on ne peut pas se permettre d’espérer le dompter un jour. L’on ne peut que s’en plaindre. L’État aussi d’ailleurs. Et, qui sait si le véritable monstre de ce pays n’est pas plutôt cet État-sangsue.


Quatre choses qu’il faut savoir sur le drapeau haïtien

Le 18 mai, en Haïti, marque la fête du drapeau. Les Haïtiens accordent une grande importance à cette fête. Dans toutes les rues, traditionnellement on organise des parades pour marquer le jour du drapeau. Voici 4 choses, à mon sens, que vous devez savoir à tout prix sur le drapeau haïtien.

Le drapeau haïtien est créé le 18 mai 1803

Avant la création du bicolore haïtien, les insurgés utilisaient comme emblème le drapeau français au cours de leurs combats. Au fait, Toussaint Louverture, considéré comme le précurseur de l’indépendance haïtienne, a adopté comme emblème ledit drapeau en 1798.

Le premier drapeau haïtien

Les français avaient donc cru que les indigènes n’ont pas vraiment une vision indépendantiste. Informé de cela, Jean-Jacques Dessalines avait décidé de créer son propre drapeau. Ce qui est fait le 18 mai 1803 au congrès de l’Arcahaie, une commune située à quelques kilomètres au nord de l’actuelle capitale haïtienne. Le 18 mai est donc resté, pour les Haïtiens, comme la fête du drapeau.

Le drapeau haïtien est né de celui français

Le chef de fil de l’armée indigène, Jean-Jacques Dessalines, pour créer son propre emblème, se servait du drapeau français. En effet, le père de la nation haïtienne a ôté la bande blanche de l’emblème colonial pour donner naissance au premier étendard haïtien.
Le premier drapeau haïtien a donc été organisé en deux bandes d’étoffes, bleue et rouge, disposées verticalement. Jean-Jacques Dessalines y fit inscrire la devise « liberté ou la mort ». Avec ce drapeau, une étape en plus a donc été franchie dans la lutte pour l’indépendance d’Haïti.

Le drapeau haïtien symbolise l’union des noirs et des mulâtres

Le drapeau haïtien symbolise l’union des noirs et des mulâtres. Ces deux catégories ont toutes les deux été victimes du système esclavagiste implanté à Saint-Domingue. Mais il a fallu l’année 1803 pour que noirs et mulâtres le comprennent. Ce fut donc cette union stratégique entre les principaux chefs des insurgés qui a allait conduire à l’indépendance d’Haïti. Au lendemain de l’indépendance, soit en 1805, Dessalines a changé le bleu du drapeau en noir.


Les deux couleurs parlent plus fort pour le père de l’indépendance. Rouge symbolisant la liberté et le noir pour la mort. Après lui, certains chefs d’État ont gardé l’emblème noir et rouge. Mais au final, c’est le bicolore bleu et rouge qui a fini par triompher. Mais rien n’enlève qu’il symbolise l’union des noirs et des mulâtres. D’ailleurs, dans les armoiries figurent les armes de la liberté et la légende « l’union fait la force ».

Le Drapeau haïtien a été cousu par une femme

Beaucoup de femmes ont pris part dans la lutte pour l’indépendance d’Haïti. L’histoire nous enseigne que certaines d’entre elles ont même été très actives dans les combats. Cela dit, tous les esclaves ont été conscientisés sur la nécessité de renverser le système d’exploitation colonial.
Parmi ces femmes, l’on doit citer aujourd’hui Catherine Flon. L’histoire nous enseigne qu’elle était la belle-fille de claire heureuse, la femme de Dessalines. C’était donc à Catherine Flon qu’il incombait de coudre le premier drapeau haïtien à Arcahaie. Les Haïtiens continuent encore aujourd’hui de la vénérer comme la mère du drapeau.


Lettre à Catherine Flon, la femme qui a cousu le drapeau haïtien

Bonjour Catherine Flon! Comment tu vas? Pardonne-moi le tutoiement. J’ai pris l’habitude depuis quelques temps de ne plus vouvoyer les gens. On dit que c’est une marque de respect, mais moi j’y vois une manière de prendre​ ses distances à une personne. J’aime​ trop me rapprocher des gens. Des gens comme toi encore plus. Bref!

Dis-moi Catherine, toi qui es belle-fille de la femme de Dessalines, tu dois probablement habiter le même bout de l’au-delà que ces gens. Comment va le père de l’indépendance haïtienne ? A-t-il le même caractère? A-t-il encore la même haine contre l’oppression ? Chérit-il encore la liberté?

Et toi donc à qui il a été donné de coudre le premier drapeau haïtien ? Comment tu te sens aujourd’hui ?
Je parie que tu pleures maintenant. Je sais que tes larmes coulent comme un torrent aujourd’hui. Et ça n’a pas commencé hier. Mais les pleurs qui sortent de tes entrailles sont plus déchirants aujourd’hui. Ils sont créés par les tiens. Ceux-là à qui tu as laissé un drapeau en héritage. Oui, c’est plus dur que lorsque les Allemands l’ont fait ou n’importe quelle autre nation.

Aujourd’hui Catherine, notre peuple n’a plus aucun respect pour le drapeau. Et d’ailleurs , à quoi servent quelques bouts d’étoffe ?? Ils ont peut-être oublié que ce drapeau symbolise l’union des Noirs et des Mulatres pour l’indépendance. Les écoles s’en foutent. La police. Les institutions publiques. En fait, tout le monde .

Le Bicolore !!! C’est bien joli, mais…
Il est passé le temps où l’on se sentait fier de son pays, fier de son drapeau. Mais qu’est-ce qu’on reste de bon?? Nos prouesses du passé. Rires ! Quand on veut parler de fierté ici Catherine, c’est de toi qu’on parle encore. Toi et ceux comme toi qui ont participé à la construction de cette nation.

Ah oui très chère, on ne cesse de conter aux enfants qu’une femme au nom de Catherine Flon a cousu le drapeau au bourg de l’Arcahaie. On te représente comme une belle mulâtresse​ aux cheveux longs.

Je n’ai pas à te mentir Cathe. Je ne veux pas non plus te réconforter. Je n’ai pas de réconfort. Tu as raison de pleurer. Pleure tes remords. Pleure ta déception. Pleure ton travail galvaudé. Pleure ton courage gaspillé. Pleure ton drapeau désacralisé. Pleure Catherine Flon. J’aurais tellement aimé vivre la même époque que toi et mourir au côté de gens comme toi. Je n’aurais pas connu ceux que j’appelle des polis p’tits chiens (politiciens) sans scrupule qui puent la pudeur ici. Franchement Catherine!

Je t’encourage de pleurer. L’au-delà doit être bien sombre. Y a-t-il des rues et de grands boulevards là-bas ? Y a-t-il des gares routières et des aéroports où l’on peut croiser au hasard un ami de toujours ? S’il est possible de rencontrer les pères fondateurs de la nation, encourage-les, je t’en prie, à pleurer aussi. Peut-être que leurs pleurs peuvent servir d’engrais à nos sols et améliorer les choses ici.

À bientôt Catherine ! Donne le bonjour à Dessalines et à tous les frères et pères !! Dis leur qu’ils ont échoué !! Nos dirigeants ont tout galvaudé.


M. le président, pensez au changement climatique

 Les effets du changement climatique sont partout visibles en Haiti. Le pays subit  déjà sévèrement les effets du phénomène. Cette nouvelle réalité climatique doit nécessairement être prise en compte dans les politiques publiques en Haïti. En fait, si l’on pense réellement à un développement durable dans le pays.

Le premier mai dernier, Jovenel Moïse, président d’Haïti, a lancé, dans un élan de fierté, ce qu’il appelle la « caravane du changement ». Le chef de l’État a drainé tous les projecteurs vers le département de l’Artibonite (Nord de la Capitale) pour cet événement.

Ladite caravane, selon le gouvernement, devra permettre à Haïti de redorer son blason sur le plan économique. On la vend comme étant capable de favoriser la relance agricole dans le pays.  Cette initiative du président aurait permis aux haïtiens de manger à leur faim, dit-on.

Une vaste campagne médiatique accompagne cette caravane dont le lancement a coûté près de 97 millions de gourdes au pays. Comme si clamer le changement suffit pour le rendre effectif.

Une campagne de m’as-tu vu ?

Que peut-on espérer de la caravane de changement du gouvernement haïtien? Rien, auraient répondu certains se souvenant du fameux « gouvènman lakay ou » (le gouvernement chez vous). Cette initiative du père politique de Jovenel Moïse, à savoir Joseph Michel Martelly, a provoqué la grogne de nombreux haïtiens. Dans ce texte, l’on préfère répondre qu’on n’en sait rien. Effectivement, l’on n’en sait rien.

Cependant, l’on est au moins certain que le développement d’un pays ne se fait pas de palabres ou de grandes campagnes de m’as-tu vu. L’on est tout aussi certain qu’on ne pourra pas développer un pays de façon durable par des actions isolées, aussi bonnes qu’elles soient, qui ne s’inscrivent pas dans une politique de développement globale.

Le changement climatique menace l’agriculture

L’on est aussi certain que le changement climatique s’installe déjà en maître en Haïti. S’il ne fait pas partie des grands émetteurs de gaz à effet de serre, Haïti fait néanmoins partie des pays les plus vulnérables face au CC. Le pays est même classé parmi ceux-là qui sont les plus en manque de capacités d’adaptation face à ce phénomène planétaire.

N’en déplaise aux climato-sceptiques, l’on sait que le changement climatique peut avoir des conséquences désastreuses sur notamment l’agriculture. Au fait, le changement climatique peut varier les saisons créant un dérèglement dans la fréquence des pluies. En outre, il peut provoquer des changements dans les précipitations, et l’augmentation des températures peut augmenter les besoins en eau des cultures. Dans un pays comme Haïti, cela devient plus compliqué.

Un pays toujours à bout de souffle

 Tout le monde sait qu’Haiti est placé sur le chemin des cyclones et des ouragans. Chaque année, le pays se retrouve à la merci des phénomènes météorologiques extrêmes. Les infrastructures routières et agricoles non adaptées à la réalité écologique du pays, ces phénomènes sont très souvent à la base de grandes inondations. Des pertes énormes au niveau du bétail et dans l’agriculture sont toujours enregistrées. Ce qui laisse toujours un pays à bout de souffle.

L’inquiétant est qu’avec le changement climatique les phénomènes météorologiques extrêmes sont appelés à être amplifiés au fur et à mesure. Cela dit, pour un pays (comme Haiti) qui se retrouve sur la trajectoire des cyclones, il y a de quoi à s’inquiéter. En conséquence, penser agriculture en Haiti, à l’heure actuelle, renvoie à penser à la prise en compte de l’ensemble de ces risques.

Penser une agriculture durable

En fait, au lieu d’attirer les projecteurs, le président haïtien doit de préférence penser une agriculture durable. Car, tout projet agricole pour Haïti, aussi bien élaboré qu’il soit, risque de ne porter aucun résultat, s’il ne prend pas en compte le changement climatique. On peut toujours se vanter de quelques résultats ponctuels, mais leur pérennisation demeurera incertaine.

Il est bien beau quand on demande aux communautés haïtiennes d’avoir la culture du risque. Mais, l’on devrait d’abord être capable de constater celle-ci dans les programmes et les projets du gouvernement. Jovenel Moïse doit se le rappeler. Penser le développement durable en Haïti doit passer par la prise en compte de la réalité écologique et climatique du pays.


L’état d’urgence environnemental en Haïti

L’état d’urgence environnemental en Haïti ne cesse de se dégrader. Ces trois dernières semaines, les Haïtiens ont été nombreux à connaitre l’enfer à cause des mauvais temps. Au cours de cette période, les pluies diluviennes ont provoqué des inondations partout. À Port-au-Prince comme dans les villes de province d’ailleurs. Les haïtiens ont vécu un véritable calvaire résultant de ces pluies torrentielles.

La population du grand sud du pays , a été une fois de plus mise K.-O. par les aléas naturels. Des gens qui vivent dans des maisons de fortune ont observé impuissants la montée des eaux à l’intérieur de leurs abris provisoires. À Port-au-Prince et dans ses zones avoisinantes, une semaine plus tard, il a fallu seulement quelques heures de pluie pour que les communautés soient inondées. Maisons privées, plantations, voies publiques sont partout envahies par les eaux. Même l’aéroport international du pays n’a pas été épargné.

Le Sénat tente d’agir

Seulement quelques heures de pluie et tout un pays se noie. Ce qui expose de plein fouet la vulnérabilité du pays face aux aléas de la nature. Le sénat haïtien semble en être conscient. Dans leur assemblée plénière du mercredi 3 mai dernier, les pairs conscrits de la nation haïtienne ont adopté une résolution qui demande au pouvoir exécutif de décréter l’état d’urgence dans le grand sud d’Haïti. Ladite résolution demande aussi à l’exécutif de décréter l’urgence environnementale sur le plan national.

Grand coup du grand corps pour certains. Mais en vertu des prescrits légaux d’Haïti, seul l’exécutif détient le pouvoir de décréter l’état d’urgence dans le pays. Est-ce que le gouvernement va emboîter le pas ? L’on ne sait pas. Du moins, l’on n’en est pas encore là.

Un état environnemental très alarmant

L’environnement en Haïti se dégrade au jour le jour et présente une réalité très alarmante. Aujourd’hui, selon les données disponibles, le pays compte seulement environ 2% de couverture végétale et moins de 2% de couverture forestière. Parallèlement, les constructions anarchiques se multiplient de façon exponentielle sur les côtes, dans les zones destinées à l’agriculture et même dans beaucoup de zones déclarées protégées par l’État.

L’insalubrité règne en maître dans presque toutes les contrées du pays. C’est d’ailleurs l’un des problèmes environnementaux majeurs qui assaillent les communautés urbaines d’Haïti et surtout la capitale, où il est apparemment indomptable. Conjointement à tous ces problèmes, Haïti est traversé par plusieurs grandes failles actives. C’est dire que les risques sismiques pèsent lourdement sur le pays. Sans compter le fait que le pays est placé en plein sur le chemin des cyclones et des ouragans.

Haïti dans le top 15 des pays les plus vulnérables

Dans un rapport publié en 2015, le « World Risk Report 2015 », réalisé par l’université des nations unies, Haïti est figuré parmi les 34 pays les plus menacés par les catastrophes naturelles. Le pays est donc placé 21ème sur un total de 171 pays avec 73,36% de vulnérabilité. Selon le même rapport, Haïti est classé dans le top 15 des pays les plus en manque de capacités d’adaptation et les plus en situation de vulnérabilité à travers le monde.

Il y a donc nécessité d’œuvrer à l’augmentation de la résilience des communautés haïtiennes face aux aléas de la nature. Cela permettra de réduire les risques de catastrophes en Haïti. Il est un fait que les catastrophes naturelles ont de graves répercussions sur le développement économique du pays. L’on se rappelle que l’ouragan Matthew à lui seul a causé au pays des pertes estimées à près de 2 milliards de dollars américains. Cela dit, penser le développement d’Haïti doit prendre en compte l’ensemble des aléas climatiques et sismiques auxquels le pays est exposé. Sinon, ce sera toujours un éternel recommencement pour le peuple haïtien.